Les Vignes de mon enfance

    Le premier souvenir de mon enfance que je garde en lien avec la vigne, c’est celui de cette poudre couleur bleu turquoise que mon grand-père diluait méticuleusement dans un immense récipient. Il y avait quelque chose de mystérieux dans cette couleur – à la fois attirant et repoussant. Sans avoir jamais posé la question à mon grand-père, j’ai conclu qu’il s’agissait de turquoise moulue apportée de la Perse lointaine ; j’avais du sûrement entendre dans un des comptes de fée que la meilleure turquoise était celle provenant de Perse. J’avais 5 ou 6 ans à l’époque. Après avoir rempli son pulvérisateur en cuivre de bouille bordelaise, grand-père entrait dans la vigne et tout de suite je le perdais de vue. La vigne commençait dans le jardin, tout près de la maison. Elle n’était pas très grande. Dans le système agricole de l’URSS les terres confisquées à des propriétaires étaient mis en commun ; seulement près de 300 m2 pouvait rester dans la possession privée. C’étaient des petits îlots, que les paysans pouvaient garder pour leurs familles et les cultiver selon les traditions ancestrales et non selon les demandes du kolkhoze. Tels des petits paradis, ils existaient dans un monde parallèle et conservaient les techniques de la viticulture traditionnelle. Comme dans tout paradis, il y avait un interdit – nous, les enfants, ne pouvions pas y accéder, il nous était dit que les hautes herbes recelaient des serpents. 

    J’avais 20 ans quand j’y suis revenue, quelques années après le décès de mon grand-père. J’étais stupéfaite de découvrir les pieds de vigne arrachés et les noyers reliés par un hamac sur cette terre promise... Parfois, pendant les moments de tristesse, je pense à ces immenses Qvevris qui sont toujours enterrés dans un coin de ce jardin, aux pieds des arbres fruitiers. J’espère, il viendra un jour où je les verrai remplis du vin !

 

Ancien Qvevri dans le village Artana. (c) Kakha Sukhitashvili

 

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