Fatman Khatun : L'Amitié Féminine et la Joie de Vivre dans l'Épopée de Roustaveli

La jeune femme Fatman Khatun est l'un des principaux personnages de l'épopée "Le Chevalier à la peau de panthère", le chef-d'œuvre de la littérature géorgienne écrit par Chota Roustaveli à la fin du XIIe siècle. "Fatman Khatun est belle, brune, au visage rond, aime la musique, la fête et le VIN" est-il écrit sur cette page du plus ancien manuscrit de cette œuvre littéraire, dont les deux pages recto-verso ont été découvertes dans les années 1960. Tous les autres manuscrits de l'œuvre complète, composée de 1671 quatrains, datent à partir du XVIIe siècle.

 

 (c) Centre national des manuscrits de Géorgie, Fr-114 v


 Est-ce un hasard que le plus ancien manuscrit contienne la description de la belle Fatman ?..

Sans l'aide de Fatman, qui est surtout très fidèle à une amitié féminine et qui a su tendre la main à une autre femme en détresse, les personnages principaux n'auraient pas pu se rencontrer et célébrer leur amour. Malheureusement, le rôle de Fatman a été minimisé et elle a été carrément traitée comme un personnage négatif durant l'époque soviétique en Géorgie. Mais pourquoi ? Parce qu'elle est une femme qui aime la vie, la fête, le vin et l'amour...

Cette marginalisation de Fatman Khatun est symptomatique de la manière dont les sociétés patriarcales ont souvent réécrit l'histoire pour minimiser les rôles des femmes indépendantes et fortes. Fatman, avec son amour pour la vie et sa loyauté envers ses amis, représente une figure de femme puissante qui ne se conforme pas aux attentes traditionnelles de son époque. En la transformant en personnage négatif, les autorités soviétiques ont peut-être cherché à imposer une vision de la féminité plus conforme à leurs idéaux.

Fatman me rappelle Siduri, un personnage de l'Épopée de Gilgamesh, une brasseuse et propriétaire d'une taverne qui aide Gilgamesh dans sa quête. Elle guide Gilgamesh en lui offrant des conseils et du réconfort, tout comme Fatman soutient et aide le héros de l'épopée géorgienne.

En revisitant ce personnage sous un jour plus favorable, nous pouvons mieux comprendre et apprécier son importance et son impact. Fatman Khatun mérite d'être reconnue pour ce qu'elle est : une femme forte, indépendante et essentielle au déroulement de l'histoire dans "Le Chevalier à la peau de panthère". Cette réévaluation permet non seulement de rendre justice à son personnage mais aussi de reconnaître la richesse et la complexité des rôles féminins dans les grandes œuvres littéraires historiques.

Je vais apporter une petite précision concernant le titre de l'épopée géorgienne, qui dans sa récente traduction en français a été traduit par "Le Chevalier à la peau de tigre", ce qui constitue une erreur de traduction. Le mot "Vefkh(v)i" en géorgien signifie "panthère", et comme on le voit clairement sur une enluminure du XVIIe siècle réalisée par le calligraphe et peintre-miniaturiste Mamouka Tavakalashvili, le personnage principale Tariél porte la peau de panthère. Ce n'est qu'à partir du XXe siècle que ce mot a changé de signification pour désigner le "tigre".

(c) Centre national des manuscrits de Géorgie, H-599_15v

 

L'importance de cette précision réside dans la fidélité à l'original et la compréhension correcte de l'œuvre. Le choix de l'animal n'est pas anodin et reflète des aspects culturels et symboliques importants de l'époque de Roustaveli. La panthère est associée à un personnage féminin principal, belle et gracieuse, telle une panthère allongée près d'un rocher. En rétablissant le titre correct "Le Chevalier à la peau de panthère", on préserve l'authenticité de l'œuvre et on rend justice à la richesse de l'héritage littéraire géorgien.

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